Courant d’ère. La machine à dire non

le télégramme du 10 février 2013

Paradoxe des paradoxes : les enseignants sont les enfants choyés du gouvernement, les seuls dont le budget ne soit pas en berne, les seuls auxquels on offre des postes, des primes (du moins pour les professeurs d’école, ce qui est justice), une formation rétablie. Et ce sont les seuls, ou presque, dont le syndicat majoritaire, la FSU, appelle à la grève contre la réforme des rythmes scolaires, c’est-à-dire la suppression de la calamiteuse semaine de quatre jours.

Oh, elle n’est pas contre la réforme, la FSU. Elle n’est jamais contre les réformes « qui vont dans le bon sens ». Simplement, elle juge, la FSU, qu' »on n’est pas prêts », « qu’il faut se donner le temps de penser une vraie réforme », « qu’on va manquer de salles pour les activités périscolaires », et que ce manque de salles, en particulier dans les secteurs ruraux, « risque de creuser les inégalités ». Bref, que le moment n’est pas encore venu et qu’il serait urgent d’ajourner.

D’où la grève. Rien moins que ça.

Vous me direz, ça fait trente ans qu’elle nous fait le coup, la FSU. Ça fait trente ans qu’elle refuse obstinément de bouger sur quoi que ce soit. Changer le système des nominations et des mutations ? Vous n’y pensez pas. Déterminer des postes à profil ? Encore moins. Modifier la notation des maîtres et des élèves ? Que cette pente est dangereuse… Révolutionner l’obligation de service des enseignants ? Ce serait la révolution ! Alléger les programmes ? On commence par où ?

Ce n’est pas un syndicat, la FSU, c’est une machine à dire non. Non à tout, non à tout ce qui risquerait, même fugitivement, même légèrement, de déranger les habitudes, les droits acquis. Une réforme, c’est toujours brouillon, inachevé, imparfait. Le temps d’un ministre est court, les décisions politiques se prennent fatalement à la volée. Si l’on attend, si l’on exige que toutes les conditions de sécurité soient réunies, on attendra cent sept ans, et dans cent sept ans, la FSU sera toujours là, disant que la configuration n’est pas adéquate et que les moyens sont insuffisants.

Pareil discours est un discours faible et non point fort. Ce syndicalisme tout défensif, parce qu’il s’effrite, court après ses clients et bat d’autant plus les estrades qu’elles deviennent maigres. Il serait temps, comme le disait naguère Lionel Jospin, qu’on mette enfin l’enfant, l’élève, au coeur du système. Lequel est pensé pour les maîtres – et c’est le monde à l’envers.

Hervé Hamon