Madame la Députée,

Nous vous remercions de votre réponse, datée du 8 octobre, à notre courrier sur le Traité Budgétaire Européen. Nous l’avons lue avec beaucoup d’attention et elle nous a tout simplement stupéfaits : chacune de vos affirmations est contredite par le contenu du Traité lui-même.

Vous écrivez que « le TSCG ne comporte pas d’efforts supplémentaires ». Selon vous, ni l’objectif d’un déficit structurel fixé à 0,5% du PIB (article 3-1), ni les programmes de partenariat budgétaires et économiques comportant une “description détaillée des réformes structurelles à établir” (article 5-1) ne sont de nouvelles contraintes ?

Vous écrivez que « les procédures de surveillance et de corrections existent déjà dans les traités existants ». Vous a-t-il échappé que les articles 3-2, 5 et 8 du TSCG visent précisément à rendre contraignante la procédure pour déficit excessif ?

Vous affirmez que le TSCG « ne confère aucun nouveau pouvoir aux institutions communautaires ». Comment expliquez-vous alors que l’article 5-2 prévoit le contrôle des “programmes de partenariat budgétaire et économique” et des “plans budgétaires annuels” par le Conseil et la Commission et que l’article 8 annonce que la Cour de Justice de l’Union Européenne rendra des arrêts contraignants à l’encontre des Etats en difficulté, auxquels elle pourra d’ailleurs infliger des sanctions financières ?

Votre analyse, qui présente l’étonnante particularité de ne se rattacher à aucun élément du texte du Traité, vous amène à estimer que « la souveraineté budgétaire des Etats est évidemment préservée ». Pensez-vous vraiment que l’exercice de la souveraineté budgétaire est compatible avec les « programmes de partenariat budgétaire et économique » et autres « plans budgétaires annuels » que la Commission et le Conseil pourront imposer aux États membres soumis à une procédure de déficit excessif ?

Et vous essayez une dernière fois de nous rassurer en prétendant que « aucune règle d’or ne sera adoptée puisque la réduction des déficits sera inscrite dans une « simple » (sic !) loi organique ». Ignoreriez-vous qu’une loi organique n’est pas « simple » : supérieure aux lois ordinaires, elle est presque du niveau de la Constitution puisqu’elle réorganise les conditions d’exercice du pouvoir du Parlement ?

À vous lire, le TSCG serait donc banal et complètement inoffensif : en somme il serait parfaitement inutile, à tel point qu’on en vient à se demander pourquoi votre groupe parlementaire se fait un tel devoir de l’adopter avec la plus large majorité possible…

Vous concédez pour finir qu’il était indispensable que des mesures soient prises pour « équilibrer le Pacte budgétaire » – et en effet, ses conséquences potentiellement dévastatrices auront bien besoin d’être compensées, voilà au moins un point de convergence qui pourrait se dessiner entre nous. Or, vous savez très bien que les 120 milliards du Pacte pour la Croissance et l’Emploi représentent un montant insignifiant, à peine 1% du PIB de l’Union Européenne, pour envisager un plan de relance. La moitié correspond à des fonds non utilisés et l’autre se répartit entre 10 milliards pour recapitaliser la BEI et 60 milliards de fonds privés que la BEI espère ainsi lever. Mais là encore le raisonnement nous laisse pantois : est-ce parce qu’on dispose d’un traitement contre une maladie grave qu’il faut se faire inoculer le pathogène qui la déclenche à coup sûr ?

Aucun des arguments que vous avancez pour justifier votre soutien au TSCG ne résiste à une analyse sérieuse du texte : avez-vous procédé à cette analyse ou vous contentez-vous des éléments de langage fournis par votre Parti ?

Quoi qu’il en soit, la question devra être posée tôt ou tard de savoir comment et pour quelles raisons vous, et la grande majorité de vos collègues, en êtes arrivés à prendre la décision de voter un Traité aussi dangereux pour le peuple dont vous êtes censés représenter les intérêts.

Dans l’hypothèse où cette décision, contraire aux engagements de campagne de François Hollande, s’avérerait finalement avoir été prise par votre Parti à son corps défendant et sous la pression des puissants lobbies de la finance, croyez en notre volonté tenace de vous aider à construire ce rapport de force enfin favorable aux intérêts de ceux qui vous ont élue.

Pour le collectif,

Monique Le Guillou, Rémi Mongruel, Hubert Casel

PS : Nous ne comprenons pas que vous puissiez nous imputer un prétendu « refus d’engager le dialogue sur la base d’un échange franc et courtois » alors que c’est vous qui n’avez pas daigné répondre à notre première demande de rencontre de juillet pourtant effectuée par courrier postal et électronique. Il est vrai qu’à l’époque la presse locale n’avait pas encore publié d’article sur l’interpellation des députés par un collectif de citoyens.